Mercredi 29 Janvier 1964

Après Perpignan, quatrième représentation à Nîmes. Cette-fois, l'endroit m'a déçu, une simple salle des fêtes. Après les endroits plus huppés où j'ai joué, celui là était peu reluisant.

Pourtant, nous avons fait salle comble. 

L'hôtel est près des arènes, dans le vieux Nïmes. C'est le Kyriad, en plein centre. Ayant trop mangé hier, j'ai fait plus attention.

Nous avons répété assez longtemps alors qu'une pluie battante écorchait les carreaux de la salle des fêtes. Elle s'était calmée le soir, et après le repas je suis partie faire une promenade solitaire dans les rues étroites du centre ville.

Au hasard, mes pas m'ont mené devant une petite boutique. Je suis restée un moment à voir mon visage dans la vitrine. Tout cela me semble être un rêve. Un beau rêve mais un rêve.

Je ne sais pourquoi G... est venu hanter ma mémoire. Je me suis rappelé notre première rencontre, son alliance, ses promesses de quitter sa femme.

Puis c'est le docteur Lambert, qui m'a examiné à l'âge de 16 ans, et m'a appris que jamais je ne pourrais avoir d'enfants.

J'avais peur d'être enceinte. Dans un pensionnat à Douvres, j'ai connu mon premier garçon. Il était irlandais, s'appelait Patrick. J'ai eu beaucoup de liberté. 

J'étais sortie mitigée de mon rendez vous du docteur Lambert, mais j'ai tellement été malheureuse avec ma mère qui ne m'a jamais aimée, ne s'est pas occupée de moi. Je n'ai vu le père de mon demi frère Jérôme, François, second mari de ma mère, qu'à l'âge de six ans.

Quand à celui qui m'a reconnu, dès qu'il a su que je n'avais de "Baptiste" que le nom, il n'a plus jamais voulu me voir.

Cette infertilité me donne une liberté par rapport aux autres femmes.  Je peux avoir tous les amants du monde, je ne risque pas de me retrouver enceinte. J'ai un jour parlé avec Nancy qui a dix ans de plus que moi, vient d'Amérique, et j'ai eu beaucoup plus d'aventures qu'elle, alors qu'elle est célèbre.

Je suis retournée à l'hôtel me coucher pour être prête pour la cinquième représentation demain.