Mardi 21 Juillet 1964

Me promenant rue Pigalle, une femme m'a agressée. En fait, elle m'a traitée de traînée (usant d'un terme plus insultant) et donné une gifle en me disant de me tenir éloignée de son homme. Ce n'est qu'après coup, hébétée, que j'ai compris de qui il s'agissait.

En fait, l'affaire remonte à six mois, je l'évoquais dans mon journal du lundi 27 janvier. Le soir de la deuxième représentation de "Gigi", à Toulouse, j'ai fauté avec un homme marié. Sauf que ce n'est pas sa femme qui vient de me donner une gifle, mais la fameuse K... dont je disais qu'elle le suivait partout dans mon journal du 26 janvier, et à laquelle mon partenaire sur scène et amant d'un soir avait téléphoné le 28 (voir encore mon journal).

Bon voilà quelqu'un qui réagit avec retard et ne sait pas la peine que je viens de traverser, ni même que je reviens de loin si l'on ne m'avait pas fait un lavage d'estomac.

Mais contrairement à ce que je croyais dans mes pages des 26 et 28, cet homme est divorcé, ce n'est donc pas à sa femme Françoise, comédienne, qu'il téléphonait le 28 janvier, et il vit sans doute en couple avec K...ce qui explique sans doute la baffe que je viens de recevoir et qui me laisse une trace sur la joue à n'en pas douter.

J'ignorais mais je l'ai su depuis que K... est comédienne comme moi, elle a tourné déjà avec Eddie Constantine au cinéma, dans un petit rôle.

Je pense qu'à partir des représentations au Palais Royal de "Gigi" prévues en mai prochain, j'ai intérêt à me tenir à carreau avec mon partenaire sous peine de me voir recevoir d'autres gifles voire pire de la part de la fort jalouse K...

Il y avait une petite réunion d'anciens (eh oui déjà) chez Furet aujourd'hui. J'y ai revu mes anciens compagnons d'études Michel et Roland.

J'ai pris "de l'avance" sur Roland qui fait toujours du théâtre de façon confidentielle, mais qui me dépassera très vite dès que la notoriété frappera à sa porte. Je sais qu'il a une pièce et un film en préparation.

Quant à Michel, moi qui ne suis encore qu'une illustre inconnue, il m'a dépassée. Non seulement, il a été l'assistant du metteur en scène Yves Robert je ne sais plus sur quels tournages, mais comme je l'ai déjà dit, il est auteur compositeur de chansons et travaille chez Barclay. Que ne se lance-t-il lui même, il se ferait vite un nom ? Quoi qu'il en soit, il est déjà connu pour des chansons qu'il a faites pour des vedettes : Dalida, Marie Laforêt. Il a bien fait d'abandonner ses études de médecine pour suivre le cours Furet. On ne l'appelera jamais (comme son père) "docteur Fugain", mais je pense qu'il ira bien plus loin, et que l'on se souviendra dans longtemps du nom de Michel Fugain alors que tout le monde m'aura oubliée.

J'ai d'ailleurs, en passant devant le Sacré-Coeur revu le guitariste dont j'ai déjà parlé, au nom impossible, Michel Polnareff. Toujours beatnik et faisant toujours la manche.