Et puis vint Juillet 1972...
Petite trêve dans les programmes de mai juin 1973 et aperçu du gros sujet que le blog va aborder bientôt : Juillet 1972.
Lorsqu'arriva l'été 1972, je n'étais pas un adolescent très mature. J'avais 12 ans, passais mon temps devant la télé. On peut situer ce mois-là comme mon passage de l'enfance à l'adolescence. Tout d'abord, ce fut un mois heureux car j'eu mon premier animal, un chien nommé Kiki.
Cette maturité qui allait me tomber dessus arriva de façon imprévue. Et par le biais de la télévision.
Avec l'arrivée de la saison estivale, l'ORTF rangea tout ce que j'aimais au placard : la série américaine "Mannix" et d'une manière générale les séries américaines ("Les envahisseurs" et "L'immortel", deux séries de science fiction venaient d'être diffusées).
Je craignais de m'ennuyer car depuis 1969, chaque été, nous ne partions plus en vacances. Les dernières remontaient à 1968.
En regardant la page du samedi 1er juillet 1972, ce qui me saute aux yeux, c'est le tour de France : sont présents tous les champions de l'époque, côte à côte, Felice Gimondi, Lucien Van Impe, Luis Ocana, Eddy Merckx et mon préféré Raymond Poulidor.
Il y a aussi les "Jeux sans frontières" dont c'est la deuxième émission. En feuilleton, celui du plus célèbre des rebelles de l'histoire, Mandrin, dans lequel la chanteuse actrice Monique Morelli chante la complainte de Mandrin qui relate les aventures du rebelle face aux méchants "fermiers généraux", et "Omer Pacha", dont c'est la seconde diffusion après seulement une année, grand succès du cinéaste Christian Jaque joué par des acteurs autrichiens.
Chaque soir, il y a un feuilleton ennuyeux auquel je ne comprends rien : "Les chemins de pierre", avec André Valmy dont c'est fort heureusement la fin.
Les chanteurs de ce samedi 1er juillet 1972 laissent à désirer côté qualité : Enrico Macias, l'incontournable et très dispensable Mireille Mathieu, le poète plein de mièvreries surrannées Gérard Lenorman. Alice Dona, ex idole yéyé devenu compositeur relève un peu le niveau sans plus.
Le dimanche 2 juillet relève le niveau musical avec Nino Ferrer à Discorama de Denise Glaser et Leny Escudéro à "Télé Dimanche" présenté par Denise Fabre.
Les séries anglo-saxonnes de l'été sont des produits au rabais, des programmes qui ne feraient aucune audience pendant l'année, "Aventures australes" ou encore "Mardi Soir" (Une collection de téléfilms dont la vedette est différente à chaque épisode).
Je l'ignore encore, mais deux semaines après, en partant en vacances dont on souhaiterait qu'elles soient longues, Danièle Gilbert et son "Miditrente" vont laisser la place, chaque jour à 12h30, à un grand moment de mon enfance qui va revivre : le feuilleton "La princesse du rail", série sur l'épopée du chemin de fer en Auvergne et dans les Cévennes, va être rediffusée.
Bien que j'aime beaucoup les trains, c'est l'héroïne de la série, une jolie brune que j'appelle tout simplement "la princesse du rail" qui cinq ans plus tôt m'a fait découvrir un sentiment étrange et inconnu alors que j'avais sept ans : l'amour.
Pourtant, il se passe quelque chose le mardi 4 juillet. Certes, c'est la fête de l'indépendance des Etats Unis me direz-vous.
Mais c'est aussi le début d'un feuilleton, "Les dernières volontés de Richard Lagrange", qui se situe dans un milieu que je n'aime pas du tout : les hôpitaux. L'héroïne cependant bien que blonde, avec un bandeau sur les cheveux, rend plus apaisantes les images de ce milieu médical qui me terrorise.
J'aime les brunes, depuis 1967, et la princesse du rail. Le tournage a eu lieu en 1966 et donc six ans ont passé. En six ans, on change. On peut donc admettre que je n'ai pas reconnu, au premier coup d'oeil, et après une longue absence à la télévision, sous la chevelure blonde et la blouse blanche d'infirmière de Geneviève Lagrange, la jeune femme de 29 ans en 1972 qui en avait 23 en 1966. Eh oui, quand on se teint les cheveux, quand passent six ans, on change.
Je vais suivre assidûment ce nouveau feuilleton, et le 17 juillet découvrir qui se cache derrière la blouse blanche et les cheveux blonds. Car le 17 juillet, je vais voir, dès le premier épisode de "La Princesse du rail", que la petite gitane qui meurt tragiquement écrasée par un train dans un feuilleton qui m'a bouleversé à l'âge de sept ans, et l'infirmière blonde, sont une seule et même personne.
Deux fois par jour, je vais m'habituer à retrouver une actrice qui n'est hélas pas brune, magie de la télévision, mais porte une perruque dans un film et a les cheveux teints dans l'autre. Elle est châtain, elle a maintenant 29 ans, exactement seize de plus que moi.
C'est une grande histoire, et je vais bientôt vous la conter. Mais pour le moment, nous allons revenir en mai 1973, presque un an plus tard.
A partir de juillet 1972, si mon sentiment amoureux était certes conscient et réel en 1967, il va devenir passion. Et là, j'ai l'impression d'entrer pas à pas, très lentement, mais très sûrement, dans le monde de l'adolescence. De quitter l'enfance pour vivre une époque de ma vie nouvelle.
Quelle idée d'aller se teindre en blonde. Je suis sûr qu'elle a fait cela pour brouiller les pistes et se donner une nouvelle image.
Le coeur a ses raisons que la raison ignore. Il me faudra cependant encore six mois, soit arriver à Noël 1972, pour cesser d'appeler cette jeune femme "La princesse du rail", et enfin prononcer son nom, son beau prénom, et son nom de famille. Car de princesse gitane, elle devient infirmière blonde, puis reine de France, sous le prénom assez désuet de Marguerite.
Marguerite, c'est, dans ma famille, ma vieille tante, et il s'agit là d'une jeune femme à laquelle je ne peux un instant la comparer.
Mais cela est une autre histoire....