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Fans de Muriel Baptiste

Zoé

8 Juin 2017 , Rédigé par patricks Publié dans #CARRIERE DE MURIEL

Zoé existe : il l’a rencontrée. Il c’est Jean Marsan, l’auteur de ce grand succès du boulevard dans les années 50, qu’il a remis au goût du jour pour le théâtre de Pierre Sabbagh. « C’était un cas. Une fille très belle que j’ai rencontrée sur la rive gauche. Elle vivait en se faisant inviter au restaurant par des inconnus, en se servant sans vergogne dans leur portefeuille. Un peu une hippie avant la lettre », juge-t-il.

Mais Zoé avait un gros défaut – ou une grande qualité : elle disait la vérité : « Vous, vous avez une sale gueule » lançait-elle froidement à son bienfaiteur. A un comédien, elle confiait avec aplomb : « Vous m’êtes profondément antipathique et d’ailleurs vous jouez comme un pied ».

Jean Marsan n’a pas hésité une minute : cette fille était son personnage. Il en fit Zoé, fauteuse de brouilles, de quiproquos, moteur rêvé de vaudeville. Avec Nicole Courcel en tête de distribution, sa comédie fit une carrière superbe (Deux ans à la Comédie Wagram). Il est question d’une reprise après sa diffusion « au théâtre ce soir ».

L’aventure d’ « Interdit au public » recommence. On se souvient peut-être de cette comédie sur les comédiens, qui se passait tout entière dans les coulisses, et qui était à elle seule un véritable trousseau de clés tant on y trouvait d’allusions à des vedettes célèbres. Jean Marsan l’avait écrite en 1948 sur une idée de Roger Dornès – qui fut directeur du Vieux Colombier. Le succès à la Comédie Wagram avait été prodigieux. Réécrite, elle aussi, pour la TV, elle fit une brillante seconde carrière au Saint Georges : à tel point que la directrice du théâtre, Mary Morgan, alla un soir s’enfermer dans son bureau, la tête dans les mains, en répétant : « Non, ce n’est pas normal que les gens rient autant… ».

Curieuse destinée que celle de Jean Marsan. Jean Street de son vrai nom (son arrière grand père était anglais), né à Levallois, élevé en partie en Ethiopie où son père était planteur de café, il avait d’abord était comédien. Dès 1937, à l’Exposition Internationale de Paris, avec Barsacq et Jean Dasté. Puis le conservatoire, chez Dussane : premier prix en 1943. Ensuite, la Comédie Française, où il fut pensionnaire de 1945 à 1949. Rien dans ses antécédents qui le destinât précisément au théâtre dit « de digestion ».

Mais le classique l’ennuyait. A Saint-Germain des Près, alors à son apogée, il avait fait équipe avec Guillaume Hanoteau, Michel De Ré, écrit les couplets, très fous, de « La tour Eiffel qui tue ». Il avait une étonnante facilité de travail, entassant manuscrit sur manuscrit. Et il savait observer.

Il n’en fallait pas plus pour devenir un auteur à succès. Depuis lors, il a travaillé beaucoup pour le cinéma : avec René Clair notamment, pour « Les grandes manœuvres » et « Tout l’or du monde ». Un homme difficile, exigeant, dit-il, mais aussi, sous ses dehors froids et méthodiques, un mystificateur, un farceur scientifique, si on peut dire.

Mais le cinéma l’a laissé insatisfait. Il est revenu au théâtre. De boulevard car « la scène a besoin aussi de joyeux lurons pour la réveiller à coups de dynamite ».

Il a été le restaurateur, en quelque sorte, du livret de « La Périchole », d’Offenbach, reprise avec un énorme succès, il y a deux ans. Il travaille maintenant, dans la foulée, sur une autre œuvre oubliée de ce véritable fou de l’opérette : « Barbe Bleue », avec encore Jean Le Poulain.

« Il n’y a pas beaucoup de comédiens capables, aujourd’hui, de jouer ces opérettes-là. C’était tellement énorme, dément, on y voit défiler des calembours si démesurés… Il y faut des Jean Le Poulain, des Darry Cowl, des Devos. »

Lui n’est pas dément pour un sou. Grand, cheveux blancs et teint rose, il parle d’une voix dénuée de toute truculence. Un peu blasé, soucieux de silence, il vit, une grande partie de l’année dans la forêt, près de Dreux. « Une maison louée, oui : propriétaire ? Oh ! non, grands dieux ! ».

Le reste du temps à Paris, dans une soupente minuscule, tapissée de vert, ouvrant comme une lanterne par deux grandes fenêtres sur le panorama de la rive gauche.

A ses pieds, trois hectares de parcs privés – ambassades, couvents – comme il y en a tant dans le 7e arrondissement. Le silence d’une ruelle privée, dont la plupart des habitants sont des ducs ou des milliardaires.

« Ce qu’il y a de bien avec les milliardaires, remarque Jean Marsan, c’est qu’ils ne sont jamais chez eux : vous comprenez, avec leurs yachts et leurs châteaux… ».

                                                                                                          Rémy Le Poitevin.

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