Article de Télé Poche de juillet 1972
Ce fut la seule et unique couverture de Muriel Baptiste pour Télé Poche.
BOHEMIENNE A MIDI ET INFIRMIERE LE SOIR : MURIEL BAPTISTE SERA REINE DANS « LES ROIS MAUDITS »
Cette semaine cinq ans s’écouleront chaque jour entre 12h30 et 20h15. A 12h30, sur la 1ere chaîne, la télévision rediffuse « La princesse du rail », un feuilleton qui révéla en 1967 une jeune comédienne au talent charmant et déjà très personnel : Muriel Baptiste. A 20H15, toujours sur la première chaîne, un feuilleton nouveau de Roger Burckhardt que l’on peut suivre depuis deux semaines déjà, « Les dernières volontés de Richard Lagrange », vous propose une jeune vedette dans le rôle d’une fille comme les autres à qui il arrive des choses pas comme les autres : Muriel Baptiste. Entre ces deux personnages que vous pourrez voir au cours de la même journée se situe une carrière qui est passée par le théâtre (« Gigi », « Tchao »), par le cinéma (« Les sultans », « La cavale ») et, naturellement, par la télévision avec surtout deux œuvres que nous verrons la saison prochaine : « La double vie de Mademoiselle de la Faille », une histoire de réincarnation réalisée par Michel Subiela et « Les rois maudits », d’après Maurice Druon, six épisodes d’une heure réalisés par Claude Barma, où elle sera la reine Margot.
Télé Poche : Muriel Baptiste ne sait pas trop si elle doit être contente ou mécontente de cette double programmation.
Muriel : - Vous croyez que c’est bon pour moi ? Deux fois par jour, c’est drôle ! Je ne vais plus pouvoir regarder la télévision.
Télé Poche : Et Muriel d’expliquer qu’elle a horreur de se voir à l’écran. Elle éprouve une très désagréable impression, indéfinissable mais insupportable. Ce qui lui vaut quelquefois de bien fâcheuses situations.
Muriel : - Le soir de la première de Gala des « Sultans », j’avais promis à Jean Delannoy, le metteur en scène, de venir et il m’avait réservé une place près de lui. J’avais même acheté une robe longue exprès pour cette occasion. Une fois maquillée et habillée, j’ai été prise d’une telle panique que je suis restée clouée sur place. On m’attend encore !
Télé Poche : - Je suppose que vous n’avez pas vu « Les Dernières volontés de Richard Lagrange » dont le premier titre était d’ailleurs « Une fille comme les autres ». Quel genre de personnage êtes-vous ?
Muriel : - Une fille pas tellement comme les autres parce que le rôle a été un peu modifié au cours du tournage. Il a, je crois, plus de force et de caractère qu’au départ. Cette fille a son destin d’infirmière bouleversé par le testament d’un homme qui est peut être son père. Elle doit affronter une série d’évènements. Ce n’est pas simple mais elle est de taille à leur faire face.
Télé Poche : - On a l’impression, en effet, que la petite gitane de « La Princesse du rail » a pris de l’assurance et qu’elle sait fort bien ce qu’elle veut. Mais s’agit-il de vous ou des personnages que vous incarnez ?
(Muriel met la tête dans ses mains avec un geste de petite fille à qui l’on pose une question difficile)
Muriel : - Je ne sais pas, dit-elle d’un ton qui se veut de la plus totale neutralité. Je ne choisis pas mes rôles en fonction de leur importance mais de leur caractère. Qu’ils soient comiques ou dramatiques - le rêve !- il faut que le personnage intéresse, qu’il vive, qu’il agisse. Voilà, je crois que je deviens de plus en plus exigeante sur ce point. Et il m’est arrivé de refuser des tas de choses jusqu’à ce que je trouve le rôle dont j’ai envie.
Télé Poche : - Quand vous regardez en arrière, comme ça très rapidement, quels sont les rôles qui vous ont marquée, ceux qui restent au-dessus du lot ?
Muriel : - D’abord il y a « Gigi » celui de mes débuts, passionnant en lui-même et qui en plus est pour moi l’image même d’une chance extraordinaire, celle d’avoir été choisie alors que je ne connaissais personne et presque rien de ce métier. Il y avait deux mois que je prenais des cours à la suite d’un concours de circonstances incroyable : un metteur en scène italien voit ma photo dans un magazine. Il me cherche partout, me trouve chez Catherine Harlé où je posais pour des photos publicitaires, me fait prendre des cours de comédie alors que je n’y pensais nullement – moi mon rêve c’était d’être journaliste – et au bout du compte le film ne se fait pas… mais je suis choisie pour « Gigi ».
Télé Poche : Ensuite, il y a eu des tas de rôles intéressants (« Tchao » avec Pierre Brasseur, par exemple), au cours desquels l’ingénue est devenue une jeune femme à la personnalité affirmée douée d’une incontestable présence. Mais le rôle le plus récent, le plus difficile et le plus beau que Muriel ait joué c’est celui de Marguerite de Bourgogne dans « Les Rois maudits », un rôle qui au début est celui d’une jeune reine heureuse et gaie pour devenir celui d’une femme martyre sombrant dans la folie et dans la mort. Muriel Baptiste a physiquement beaucoup souffert pour incarner ce personnage mais elle en parle encore avec une lumière admirative dans les yeux :
Muriel : - Je ne savais pas, dit-elle, que j’avais tout ça en moi. Le travail a été merveilleux mais épuisant. J’ai été malade après. Il m’a fallu me reposer, voyager pour enfin me retrouver et je n’ai rien fait depuis. C’était en mars.
Télé Poche : - Et naturellement vous n’avez pas vu en projection ce que vous avez fait ?
(Muriel rit malicieusement)
Muriel : - Barma m’a dit que c’était formidable, je préfère rêver le plus longtemps possible avant de juger.